Maurice Merleau-Ponty déclarait que « le langage réalise, en brisant le silence, ce que le silence voulait et n’altérait pas ». Cette proposition nous indique deux mouvements simultanés : pour comprendre le silence il faut le langage ; mais le langage diminue le message conservé dans le silence. L’injonction à parler se fait parfois d’une manière systématique comme si la simple parole était capable d’exprimer ce qu’il y avait au fond de nous.

Le silence, bien qu’important se fait de plus en rare dans nos sociétés, que ce soit dans les parkings, dans les centres commerciaux, ou même dans les églises il est difficile de trouver un endroit silencieux. Le silence se trouve en revanche beaucoup plus présent dans l’environnement du deuil, comme dans les cimetières par exemple. C’est comme si silence et mort étaient intrinsèquement liés. Le silence est donc souvent assimilé à la mort, c’est-à-dire à l’absence de désir, donc à l’absence de vie.

La clinique donne au silence une valeur toute autre : il est au plus intime du sujet et c’est même parfois ce qui le rend plus vivant que jamais. Le silence devient, un acte de langage très précieux, qu’il convient toujours de respecter et de ne pas interpréter hors-sujet.

Rien n’est aussi interprétable que le silence car rien n’est autant mystérieux que le celui-ci. Certains silences valent bien plus que des mots tandis que d’autres sont justement le manque de ces mots.

Se regarder sans rien dire peut à la fois être d’une intensité positive tout autant qu’une intensité négative. Ainsi deux personnes dans cette situation peuvent exprimer ou l’animosité ou l’amour.

Nous imposons certains silences, d’autres nous sont imposés… d’autres encore s’imposent à nous… rien n’est simple. Le point commun à tout cela est ce que nous pouvons nommer le Réel.

Le Réel est ce dont on ne “parle pas”…il vient nous percuter, un peu comme quelqu’un qui viendrait nous pousser violemment par terre et s’en irait sans que nous puissions lui dire quelque chose. Ce moment de trouble, où l’on reste bouche-bée, c’est ça le Réel. Peu à peu nous parlons de ce qui nous est arrivé et nous nous sentons mieux car nous symbolisons ce Réel et nous l’enfermons dans des mots, il fait bien moins peur ainsi.

Le silence incarne donc souvent ce Réel qui peut être traumatique, il n’y a pas d’artifice dans le silence, il prend toute la place et s’échappe dès qu’on en parle. Le silence psychique est du même ressort, si on ne parle pas de ce qui nous touche alors le Réel prend toute la place et finit par être aux commandes de notre vie. A l’inverse, le fait de parler de ce qui nous préoccupe, d’oser mettre en mots nos souffrances, d’oser les parler, nous aidera à calmer ce secret qui nous ronge et ne nous laisse que très peu en paix.

Le silence peut donc être le signe de l’émerveillement, du respect, de la tranquillité, mais méfions-nous de certains silences qui pourraient nous vouloir plus de mal que l’on pourrait l’imaginer.

Auteur : Gaëtan Nédonchel, psychologue clinicien.
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